IN MEMORIAM BENOIT XVI

Benoit XVI était prêt à traverser la porte obscure de la mort, le 6 février 2022 il écrivait :

 » Bientôt, je serai face au juge ultime de ma vie. « 

 » Bien que, regardant en arrière ma longue vie, je puisse avoir beaucoup de motifs de frayeur et de peur, mon cœur reste joyeux parce que je crois fermement que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste mais, en même temps, l’ami et le frère qui a déjà souffert lui-même mes manquements et qui, en tant que juge, est aussi mon avocat (Paraclet). « 

 » À l’approche de l’heure du jugement, la grâce d’être chrétien me devient toujours plus claire. Être chrétien me donne la connaissance, bien plus, l’amitié avec le juge de ma vie, et me permet de traverser avec confiance la porte obscure de la mort. « 

 » À ce propos, il me revient sans cesse à l’esprit ce que Jean rapporte au début de l’Apocalypse :
il voit le Fils de l’homme dans toute sa grandeur et tombe à ses pieds comme mort.
Mais Lui, posant sur lui sa main droite, lui dit : “Ne crains pas ! C’est moi …. ” (Ap 1, 12-17). « 
Le Bureau de presse du Saint-Siège a publié dans la soirée du 31 décembre 2022 ce texte rédigé par l’ancien pape décédé dans la matinée, le 29 août 2006.
«Si, à cette heure tardive de ma vie, je jette un regard en arrière sur les décennies que j’ai traversées, je vois tout d’abord combien j’ai de raisons de remercier. Je remercie avant tout Dieu lui-même, le dispensateur de tous les bons dons, qui m’a donné la vie et m’a guidé à travers de nombreuses tribulations, qui m’a toujours relevé lorsque je commençais à glisser, qui m’a toujours offert la lumière de son visage. En regardant en arrière, je vois et je comprends que même les parties sombres et pénibles de ce chemin ont été pour mon Salut et que c’est justement là qu’Il m’a bien guidé.

Je remercie mes parents qui m’ont donné la vie à une époque difficile et qui, au prix de grands renoncements, m’ont préparé par leur amour un merveilleux foyer qui comme une lumière claire illumine tous mes jours jusqu’à aujourd’hui. La foi clairvoyante de mon père nous a appris à croire, à nous frères et sœurs, et elle a tenu bon comme guide au milieu de toutes mes connaissances scientifiques ; la piété chaleureuse et la grande bonté de ma mère restent un héritage pour lequel je ne pourrai jamais assez rendre grâce. Ma sœur m’a servi de manière désintéressée et pleine de sollicitude pendant des décennies ; mon frère m’a toujours ouvert la voie par la clairvoyance de ses jugements, avec sa puissante détermination et avec la sérénité de son cœur ; sans cette présence continue qui me précède et m’accompagne, je n’aurais pas pu trouver le bon chemin.

Je remercie Dieu du fond du cœur pour les nombreux amis, hommes et femmes, qu’Il a toujours mis à mes côtés ; pour les collaborateurs à toutes les étapes de mon chemin ; pour les enseignants et les élèves qu’il m’a donnés. Je les confie tous avec reconnaissance à sa bonté. Et je voudrais remercier le Seigneur pour ma belle patrie des Préalpes bavaroises, dans laquelle j’ai toujours pu voir transparaître la splendeur du Créateur Lui-même. Je remercie les habitants de ma patrie de m’avoir toujours permis de faire l’expérience de la beauté de la foi. Je prie pour cela, pour que notre pays reste une terre de foi et vous prie : chers compatriotes, ne vous laissez pas détourner de la foi. Enfin, je remercie Dieu pour toutes les belles choses que j’ai pu expérimenter aux différentes étapes de mon parcours, mais surtout à Rome et en Italie, qui est devenue ma deuxième patrie.

À tous ceux à qui j’ai fait du tort d’une manière ou d’une autre, je demande pardon du fond du cœur.

Ce que j’ai dit tout à l’heure de mes compatriotes, je le dis maintenant à tous ceux qui ont été confiés à mon ministère dans l’Église : Tenez bon dans la foi ! Ne vous laissez pas troubler ! Il semble souvent que la science – d’une part les sciences naturelles, d’autre part la recherche historique (en particulier l’exégèse des Saintes Écritures) – ait des vues irréfutables qui s’opposent à la foi catholique. J’ai assisté de loin aux transformations des sciences naturelles et j’ai pu voir comment des certitudes apparentes fondées contre la foi, ne se révélaient pas être des sciences, mais des interprétations philosophiques appartenant seulement en apparence à la science – tout comme la foi a appris, dans le dialogue avec les sciences naturelles, la limite de la portée de ses affirmations et ainsi à mieux comprendre ce qu’elle est.

Depuis soixante ans, j’accompagne le chemin de la théologie, en particulier celui des études bibliques, et j’ai vu s’effondrer, au fil des générations, des thèses qui semblaient inébranlables et qui se sont révélées n’être que de simples hypothèses : la génération libérale (Harnack, Jülicher, etc.), la génération existentialiste (Bultmann, etc.), la génération marxiste. J’ai vu et je vois comment, dans l’enchevêtrement des hypothèses, la raison de la foi a émergé et émerge à nouveau. Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie – et l’Église, dans toutes ses imperfections, est vraiment Son corps.

Enfin, je demande humblement : priez pour moi, afin que le Seigneur me laisse entrer dans les demeures éternelles malgré tous mes péchés et mes insuffisances. À tous ceux qui me sont confiés, j’adresse jour après jour ma prière qui vient du cœur.»
Traduction en français I.MEDIA
Biographie de Joseph RATZINGER, futur BENOIT XVI, publiée par le Vatican

Joseph Ratzinger – Cardinal depuis 1977, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi depuis 1981, Doyen du Collège cardinalice depuis 2002 – est né à Marktl am Inn, dans le territoire du diocèse de Passau (Allemagne), le 16 avril 1927.

Son père était commissaire de gendarmerie et provenait d’une famille d’agriculteurs de la Basse Bavière, dont les conditions économiques étaient plutôt modestes. Sa mère était la fille d’un artisan de Rimsting sur le Lac de Chiem, et avant de se marier, et avait été cuisinière dans divers hôtels.

Il passa son enfance et son adolescence à Traunstein, une petite ville proche de la frontière autrichienne, à une trentaine de kilomètres de Salzbourg. C’est dans ce cadre – qu’il a lui-même qualifié de « mozartien » – qu’il reçut sa formation chrétienne, humaine et culturelle.

Le temps de sa jeunesse ne fut pas facile. La foi et l’éducation de sa famille le préparèrent à la difficile expérience des problèmes liés au régime nazi: il a rappelé qu’il avait vu son curé roué de coups par les nazis avant la célébration de la Messe, et qu’il avait fait l’expérience du climat de forte hostilité vis-à-vis de l’Eglise catholique en Allemagne.

Mais c’est précisément dans cette situation complexe qu’il découvrit la beauté et la vérité de la foi dans le Christ, et le rôle de sa famille a été fondamental, car elle a toujours continué de vivre un témoignage transparent de bonté et d’espérance enraciné dans l’appartenance consciente à l’Eglise.
Alors que la tragédie de la Seconde Guerre mondiale touchait à sa fin, il fut enrôlé dans les services auxiliaires anti-aériens.

De 1946 à 1951, il étudia la philosophie et la théologie à l’Ecole supérieure de philosophie et de théologie de Freising et à l’Université de Munich.

Le 29 juin de l’année 1951 il fut ordonné prêtre.

A peine un an plus tard, dom Joseph commença son activité didactique dans cette même Ecole de Freising où il avait été étudiant.

En 1953, il devint titulaire d’une Maîtrise en théologie avec un mémoire sur le thème « Peuple et Maison de Dieu dans la doctrine de l’Eglise de saint Augustin ».

En 1957, il obtint l’habilitation au professorat sous la direction du célèbre professeur de théologie fondamentale de Munich, Gottlieb Söhngen, avec un mémoire sur: « La théologie de l’histoire de saint Bonaventure ».

Après avoir été enseignant de dogmatique et de théologie fondamentale à l’Ecole supérieure de Freising, il poursuivit sa carrière d’enseignant à Bonn (1959-1969), à Münster (1963-1966) et à Tübingen (1966-1969). A partir de 1969, il fut professeur de dogmatique et d’histoire des dogmes à l’Université de Ratisbonne où il assuma également la charge de Vice-Président de l’Université.

Son intense activité scientifique le conduisit à assumer des fonctions importantes au sein de la Conférence épiscopale allemande et de la Commission théologique internationale.

Parmi ses nombreuses et prestigieuses publications, certaines ont reçu un grand écho, comme « Introduction au christianisme » (1968), un recueil de leçons universitaires sur la « profession de foi apostolique ».

Plus tard, en 1973, a été publié le volume: « Dogme et Révélation » qui réunit les essais, les méditations et les homélies consacrées à la pastorale.

Son discours prononcé devant l’Académie catholique bavaroise sur le thème: « Pourquoi je suis encore dans l’Eglise? » a également eu un très large retentissement. Il y déclara avec sa clarté habituelle: « Il n’y a que dans l’Eglise qu’il est possible d’être chrétien, et pas à côté de l’Eglise ».

La série de ses éminentes publications s’est poursuivie, toujours abondante et régulière au cours des ans, constituant un point de référence pour un très grand nombre de personnes et assurément pour tous ceux qui se consacrent à l’étude approfondie de la théologie. Que l’on pense, par exemple, au volume « Entretien sur la foi » de 1985 et au « Sel de la terre » en 1996. Rappelons également le livre « A l’école de la Vérité », imprimé à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire.

Il faut ensuite souligner la grande valeur, centrale dans la vie du Pasteur Ratzinger, de la profonde et fructueuse expérience de sa participation au Concile Vatican II en qualité d' »expert », qu’il a également vécue comme une confirmation de sa vocation qu’il a lui-même définie de « théologique ».
La 25 mars 1977, le Pape Paul VI le nomma Archevêque de Munich et Freising.

Il reçut l’ordination épiscopale le 28 mai de la même année: premier prêtre diocésain à assumer, depuis quatre-vingts ans, la charge pastorale du grand diocèse de Bavière. Il choisit comme devise épiscopale: « Collaborateur de la Vérité ».

C’est également le Pape Montini qui l’a créé et publié Cardinal, avec le titre de « Santa Maria Consolatrice al Tiburtino », lors du Consistoire du 27 juin 1977.

Il fut Rapporteur à la cinquième Assemblée générale du Synode des Evêques (1980) sur le thème de la famille chrétienne dans le monde contemporain. A cette occasion, dans son premier Rapport, il avait proposé une analyse précise et approfondie sur la situation de la famille dans le monde, en soulignant à ce propos la crise de la culture traditionnelle face à la mentalité techniciste et purement rationnelle. A côté des aspects négatifs, il n’avait pas manqué de mettre en évidence la redécouverte du véritable personnalisme chrétien comme un levain qui féconde l’expérience conjugale de très nombreux couples d’époux, et il avait également invité à présenter une juste évaluation du rôle de la femme, qu’il faut compter parmi les questions fondamentales dans la réflexion sur le mariage et sur la famille. Dans la deuxième partie de son Rapport, consacrée au dessein de Dieu pour les familles d’aujourd’hui, il avait rappelé avant tout que la condition d’homme et de femme sont des expressions de la communion des personnes comme signe original du don d’amour du Créateur. Il s’ensuit – avait-il souligné – que l’amour de l’homme et de la femme n’est pas une chose privée, ni profane, ni purement biologique, mais quelque chose de sacré qui introduit à un « état », à une nouvelle forme de vie, permanente et responsable. Le mariage et la famille – avait-il rappelé avec force – précèdent, en quelque sorte, la chose publique, et celle-ci doit respecter le droit propre au mariage et à la famille et son mystère intime. Dans la troisième partie, le Cardinal avait affronté les questions pastorales liées à la famille: de celles de la construction d’une communauté de personnes à la question de la procréation de la vie, du devoir éducatif à la nécessité de la préparation des jeunes au mariage et à la vie familiale, des devoirs sociaux aux devoirs culturels et moraux. La famille, avait-il conclu, peut témoigner devant le monde d’une nouvelle humanité face à la domination du matérialisme, de l’hédonisme et de la permissivité.

Il fut également Président Délégué de la Sixième Assemblée (1983) qui a eu pour thème la réconciliation et la pénitence dans la mission de l’Eglise. Dans son intervention aux travaux, il avait réitéré les dispositions pastorales promulguées par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi concernant le Sacrement de la réconciliation et il avait approfondi, en particulier, les thèmes liés à deux questions qui étaient apparues plusieurs fois au cours des travaux de l’assemblée; celle concernant l’obligation de confesser les péchés graves déjà absous lors de l’absolution générale et celle concernant la confession personnelle comme élément essentiel du Sacrement.

Sa parole a offert une contribution fondamentale au niveau de la réflexion et de la comparaison dans le déroulement de tous les Synodes des Evêques.

Le 25 novembre 1981, Jean-Paul II le nomma Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Il devint également Président de la Commission pontificale biblique et de la Commission théologique internationale. Le 15 février 1982, il renonçait à la charge pastorale de l’archidiocèse de Munich et Freising.

Son service comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi fut inlassable et il serait impossible de détailler l’ensemble de son travail dans le cadre d’une biographie. Son oeuvre, comme collaborateur de Jean-Paul II fut ininterrompue et précieuse.

Parmi les très nombreux points de référence de son oeuvre, il faut signaler son rôle comme Président de la Commission pour la Préparation du Catéchisme de l’Eglise catholique.

Le 5 avril 1993, il fut appelé au sein du Collège cardinalice à faire partie de l’ordre des Evêques, et il prit possession du Titre de l’église suburbicaire de Velletri-Segni.

Le 6 novembre 1998 il fut nommé Vice-Doyen du Collège cardinalice et le 30 novembre 2002 il en devint le Doyen: à ce titre, il prit possession de l’Eglise suburbicaire d’Ostie.

Avant son élection sur la Chaire de Pierre, il fut Membre du Conseil de la II Section de la Secrétairerie d’Etat; des Congrégations pour les Eglises orientales; pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements; pour les Evêques; pour l’Evangélisation des Peuples; pour l’Education catholique; du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens; de la Commission pontificale pour l’Amérique latine et de la Commission pontificale « Ecclesia Dei ».

A l’occasion du cinquantième anniversaire de son ordination sacerdotale, Jean-Paul II lui envoya un message dans lequel, soulignant que son jubilé coïncidait avec la solennité liturgique des saints Pierre et Paul, il lui rappela à travers des paroles en quelque sorte « prophétiques », que « en Pierre se trouve le principe d’unité, fondé sur la foi solide comme le roc du Prince des Apôtres, en Paul l’exigence intrinsèque de l’Evangile d’appeler chaque homme et chaque peuple à l’obéissance de la foi. Ces deux dimensions se mêlent au témoignage commun de sainteté, qui a cimenté le généreux dévouement des deux apôtres au service de l’Epouse immaculée de Dieu. Comment ne pas découvrir dans ces deux composantes – se demandait Jean-Paul II – également les points de repère fondamentaux du chemin que la Providence a préparé pour vous, Monsieur le Cardinal, en vous appelant au sacerdoce? ».

C’est au Cardinal Ratzinger que furent confiées les méditations de la Via Crucis 2005 célébrée au Colisée. Lors de cet inoubliable Vendredi Saint, Jean-Paul II, serrant le crucifix entre ses mains, comme agripé à lui, devenant une émouvante icône de la souffrance, écouta dans un recueillement silencieux les paroles de celui qui allait devenir son Successeur sur la Chaire de Pierre. De manière significative, le leitmotiv de la Via Crucis fut la parole prononcée par Jésus le Dimanche des Rameaux, par laquelle – immédiatement après son entrée dans Jérusalem – il répond à la demande d’un groupe de grecs qui désiraient le voir: « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). A travers ces paroles, le Seigneur a offert une interprétation « eucharistique » et « sacramentelle » de sa Passion. Il nous montre – telle a été la réflexion du Cardinal – que la Via Crucis n’est pas simplement une chaîne de douleur, de choses néfastes, mais un mystère: c’est justement ce processus par lequel le grain de blé tombe en terre et porte du fruit. En d’autres termes, il nous montre que la Passion est une offrande de soi-même et que ce sacrifice porte du fruit et devient alors un don pour tous.

Ses réflexions, qui résonnèrent le soir du Vendredi Saint dans le cadre suggestif du Colisée, sont restées imprimées dans la conscience des hommes. « Mais ne devons-nous pas penser également – telle a été son invitation vibrante lors de la méditation de la neuvième Station – à ce que le Christ doit souffrir dans son Eglise elle-même? Combien de fois abusons-nous du Saint-Sacrement de sa présence, dans quel coeur vide et mauvais entre-t-il souvent! Combien de fois ne célébrons-nous que nous-mêmes, et ne prenons-nous même pas conscience de sa présence! Combien de fois sa Parole est-elle déformée et galvaudée! Quel manque de foi dans de très nombreuses théories, combien de paroles creuses! Que de souillures dans l’Eglise, et particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement! Combien d’orgueil et d’autosuffisance! ». « Souvent, Seigneur – telle a été la prière qui a jailli de son coeur -, ton Eglise nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toute part. Et dans ton champ, nous voyons plus d’ivraie que de bon grain. Les vêtements et le visage si sales de ton Eglise nous effraient. Mais c’est nous-mêmes qui les salissons! C’est nous-mêmes qui te trahissons chaque fois, après toutes nos belles paroles et nos beaux gestes. Prends pitié de ton Eglise… Tu t’es relevé, tu es ressuscité et tu peux aussi nous relever. Sauve ton Eglise et sanctifie-la. Sauve-nous tous et sanctifie-nous » .

Vingt-quatre heures à peine avant la mort de Jean-Paul II, alors qu’il recevait à Subiaco le « Prix Saint-Benoît » décerné par le Fondation « Vie et Famille », il avait répété avec des paroles aujourd’hui particulièrement éloquente: « Nous avons besoin d’hommes comme Benoît de Norcia, qui en un temps de dissipation et de décadence, s’abîma dans la solitude la plus extrême, réussissant, après toutes les purifications qu’il dut subir, à remonter à la lumière. Il rentra et fonda le Mont-Cassin, la ville sur les hauteurs qui, au milieu de toutes ces ruines, réunit les forces à partir desquelles fut créé un monde nouveau. Ainsi Benoît, comme Abraham, devint le père d’un grand nombre de peuples ».
Le vendredi 8 avril – en tant que Doyen du Collège Cardinalice – il présida la Messe d’obsèques de Jean-Paul II sur la Place Saint-Pierre. Son homélie, peut-on dire, a exprimé sa grande fidélité au Pape et sa propre mission: «  »Suis-moi », dit le Seigneur ressuscité à Pierre; telle est sa dernière parole à ce disciple, choisi pour paître ses brebis. « Suis-moi » – cette parole lapidaire du Christ peut être considérée comme la clé pour comprendre le message qui vient de la vie de notre regretté et bien-aimé Pape Jean-Paul II, dont nous déposons aujourd’hui le corps dans la terre comme semence d’immortalité – avec le coeur rempli de tristesse, mais aussi de joyeuse espérance et de profonde gratitude ».

« Suis-moi! » a été la parole-clé, le fil conducteur de l’homélie que le Cardinal Ratzinger a adressée au monde entier durant les obsèques du Saint-Père. Une parole qui raconte la mission de Jean-Paul II et qui constitue dans le même temps une exhortation qui vise chacun.

«  »Suis-moi! » En même temps qu’il lui confiait de paître son troupeau – telles furent les paroles bouleversantes du Cardinal Ratzinger dans son homélie vibrante et émue lors de la Messe de funérailles -, le Christ annonça à Pierre son martyre. Par cette parole qui conclut et qui résume le dialogue sur l’amour et sur la charge de pasteur universel, le Seigneur rappelle un autre dialogue, qui s’est passé pendant la dernière Cène. Jésus avait dit alors: « Là où je m’en vais, vous ne pouvez pas y aller ». Pierre lui dit: « Seigneur, où vas-tu? ». Jésus lui répondit: « Là où je m’en vais, tu ne peux pas me suivre pour l’instant; tu me suivras plus tard » (Jn 13, 33.36). Jésus va de la Cène à la Croix, et à la Résurrection – il entre dans le mystère pascal; Pierre ne peut pas encore le suivre. Maintenant – après la Résurrection – ce moment est venu, ce « plus tard ». En étant le Pasteur du troupeau du Christ, Pierre entre dans le mystère pascal, il va vers la Croix et la Résurrection. Le Seigneur le dit par ces mots, « Quand tu étais jeune… tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller » (Jn 21, 18). Dans la première période de son pontificat, le Saint-Père, encore jeune et plein de force, allait, sous la conduite du Christ, jusqu’aux confins du monde. Mais ensuite il est entré de plus en plus dans la communion aux souffrances du Christ, il a compris toujours mieux la vérité de ces paroles: « C’est un autre qui te mettra ta ceinture… ». Et vraiment, dans cette communion avec le Seigneur souffrant, il a annoncé infatigablement et avec une intensité renouvelée l’Evangile, le mystère de l’amour qui va jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1) ».

« Il a interprété pour nous – a affirmé le Cardinal Ratzinger – le mystère pascal comme mystère de la Divine miséricorde… Le Pape a souffert et aimé en communion avec le Christ et c’est pourquoi le message de sa souffrance et de son silence a été si éloquent et si fécond » (ibid.). Il a ensuite conclu par des paroles qui constituent en quelque sorte une « synthèse », pourrait-on dire, du Pontificat de Jean-Paul II, mais également de sa propre mission de fidèle, de collaborateur direct et très proche du Pape depuis 1981, comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi: « Divine Miséricorde: le Saint-Père a trouvé le reflet le plus pur de la miséricorde de Dieu dans la Mère de Dieu. Lui, qui tout jeune avait perdu sa mère, en a d’autant plus aimé la Mère de Dieu. Il a entendu les paroles du Seigneur crucifié comme si elles lui étaient personnellement adressées: « Voici ta Mère ». Et il a fait comme le disciple bien-aimé: il l’a accueillie au plus profond de son être (eis ta idia: Jn 19, 27) – Totus Tuus. Et de cette Mère il a appris à se conformer au Christ. Pour nous tous demeure inoubliable la manière dont en ce dernier Dimanche de Pâques de son existence, le Saint-Père, marqué par la souffrance, s’est montré encore une fois à la fenêtre du Palais apostolique et a donné une dernière fois la Bénédiction « Urbi et Orbi ». Nous pouvons être sûrs que notre Pape bien-aimé est maintenant à la fenêtre de la Maison du Père, qu’il nous voit et qu’il nous bénit. Oui, puisses-tu nous bénir, Très Saint-Père; nous confions ta chère âme à la Mère de Dieu, ta Mère, qui t’a conduit chaque jour et te conduira maintenant à la gloire éternelle de son Fils, Jésus Christ, notre Seigneur » (ibid.).

A la veille de son élection sur le Trône pontifical, dans la matinée du lundi 18 avril, dans la Basilique Vaticane, il a célébré la Messe « pro eligendo Romano Pontifice » avec les 115 Cardinaux, à quelques heures du début du Conclave qui allait l’élire. « En cette heure de grande responsabilité – a exhorté le Cardinal -, nous écoutons avec une attention particulière ce que le Seigneur nous dit ». En se référant aux lectures de la Liturgie, il a rappelé: « La miséricorde divine pose une limite au mal – nous a dit le Saint-Père. Jésus Christ est la miséricorde divine en personne: rencontrer le Christ signifie rencontrer la miséricorde de Dieu. Le mandat du Christ est devenu notre mandat à travers l’onction sacerdotale; nous sommes appelés à promulguer – non seulement à travers nos paroles mais également notre vie, avec les signes efficaces des sacrements, « l’année de grâce du Seigneur » ». « La miséricorde du Christ – a-t-il souligné – n’est pas une grâce à bon marché, elle ne suppose pas la banalisation du mal. Le Christ porte dans son corps et sur son âme tout le poids du mal, toute sa force destructrice. Il brûle et transforme le mal dans la souffrance, dans le feu de son amour qui souffre ». « Plus nous sommes touchés par la miséricorde du Seigneur – a-t-il ajouté -, plus nous devenons solidaires de sa souffrance – et plus nous sommes prêts à compléter dans notre chair « ce qu’il manque aux épreuves du Christ » (Col 1, 24) ».

« Nous ne devrions pas – a-t-il ensuite exhorté – rester des enfants dans la foi, dans un état de minorité… Combien de vents de la doctrine avons-nous connus au cours des dernières décennies, combien de courants idéologiques, combien de modes de la pensée… La petite barque de la pensée de nombreux chrétiens a été souvent ballottée par ces vagues – jetée d’un extrême à l’autre: du marxisme au libéralisme, jusqu’au libertinisme; du collectivisme à l’individualisme radical; de l’athéïsme à un vague mysticisme religieux; de l’agnosticisme au syncrétisme et ainsi de suite. Chaque jour naissent de nouvelles sectes et se réalise ce que dit saint Paul à propos de l’imposture des hommes, de l’astuce qui tend à les induire en erreur (cf. Ep 4, 14). Posséder une foi claire, selon le Credo de l’Eglise, est souvent défini comme du fondamentalisme. Tandis que le relativisme, c’est-à-dire se laisser entraîner « à tout vent de la doctrine », apparaît comme l’unique attitude à la hauteur de l’époque actuelle. L’on est en train de mettre sur pied une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs. Nous possédons, en revanche, une autre mesure: le Fils de Dieu, l’homme véritable. C’est lui la mesure du véritable humanisme. Une foi « adulte » ne suit pas les courants de la mode et des dernières nouveautés; une foi adulte et mûre est une foi profondément enracinée dans l’amitié avec le Christ. C’est cette amitié qui nous ouvre à tout ce qui est bon et qui nous donne le critère permettant de discerner entre le vrai et le faux, entre imposture et vérité. Cette foi adulte doit mûrir en nous, c’est vers cette foi que nous devons guider le troupeau du Christ ». « Notre ministère – a-t-il rappelé en conclusion – est un don du Christ aux hommes, pour édifier son Corps – le monde nouveau. Nous vivons notre ministère ainsi, comme un don du Christ aux hommes! Mais en cette heure, en particulier, nous prions avec insistance le Seigneur afin qu’après le grand don du Pape Jean-Paul II, il nous donne à nouveau un pasteur selon son coeur, un pasteur qui nous guide à la connaissance du Christ, à son amour, à la joie véritable » (Ibid.)
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Mgr Joseph Ratzinger devient Pape, le pontificat de Benoît XVI
(in La Croix du 16 04 2013)

Le 2 avril 2005, le Pape Jean-Paul II meurt. Il revient au doyen du Sacré Collège, le cardinal Ratzinger, de présider les cérémonies funéraires du Pape défunt et le conclave qui suit. Élu le 19 avril, il entre dans l’histoire comme le 265e Pape de l’histoire de l’Église catholique romaine, prenant le nom de Benoît, en mémoire du fondateur de l’ordre bénédictin, Benoît de Nursie, mais aussi de son prédécesseur par le nom, Benoît XV, qui fut qualifié de « Pape de la paix ». Benoît XVI est le premier Pape des temps modernes à renoncer à porter sur son blason la tiare, qui symbolise aussi le pouvoir séculier de l’Église ; il la remplace par une simple mitre épiscopale. Le 24 avril, à la messe d’inauguration du pontificat sur la place Saint-Pierre, il porte le pallium à la manière orientale, signe de sympathie et allusion à la phase précédant le schisme de 1054, époque où les Églises d’Orient et d’Occident étaient encore unies sous l’égide des successeurs de Pierre.
Sa première visite pastorale est à Bari (Italie) pour conclure le Congrès national eucharistique. Benoît XVI y souligne la place centrale du dimanche et de l’Eucharistie. De nombreuses rencontres avec des représentants œcuméniques et interreligieux marquent le début de son pontificat. Il invite pour un long entretien au Vatican le théologien suisse Hans Küng, auquel Jean-Paul II avait retiré, en 1979, l’autorisation d’enseigner la théologie. Il signe, le 28 juin 2005, le motu proprio pour l’approbation et
la publication du Catéchisme de l’Église catholique.
Soucieux d’une pastorale auprès de la jeunesse, il reprend l’intuition de son prédécesseur concernant le Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) et se rend à Cologne, dans son pays natal, en Allemagne, du 18 au 21 août 2005. En octobre de la même année se tient le Synode des évêques, sur le thème : « L’Eucharistie. Source et sommet de la vie et de la mission de l’Église ». C’est la première fois, lors d’un synode épiscopal, que le Pape prend part aux discussions. Benoît XVI y introduit même le débat libre. À Noël, le 25 décembre 2005, il publie sa première encyclique : Deus caritas est (« Dieu est amour »), dans laquelle il décrit l’amour comme la dimension centrale du christianisme.

2006
En cette année 2006, il fait quatre voyages apostoliques : du 25 au 28 mai en Pologne, du 8 au 9 juillet en Espagne, à Valence, à l’occasion des 5e Rencontres mondiales des familles. Puis du 9 au 14 septembre en Bavière (Allemagne). Le 12 septembre, il prononce sa conférence scientifique à l’université de Ratisbonne dont certains propos suscitent une polémique chez les musulmans du monde entier. Enfin, du 28 novembre au 1er décembre, il se rend en Turquie où il célèbre avec le patriarche Bartholomée 1er la fête de saint André et signe avec lui une déclaration commune sur le rapprochement entre catholiques et orthodoxes ; il visite la mosquée du Sultan Ahmet à Istanbul – c’est la deuxième visite pontificale jamais effectuée dans un lieu de culte islamique. En décembre, il reçoit le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, pour un entretien sur la situation au Proche-Orient et au Liban. À l’occasion du G8 à Heiligendamm (Allemagne), il adresse une lettre à la chancelière allemande, Angela Merkel, demandant l’annulation de la dette des pays les plus pauvres.

2007
En 2007, le jour de la fête de la chaire de Saint-Pierre (22 février), il publie l’Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis sur « l’Eucharistie comme source et sommet de la vie et de la mission de l’Église ». Cette même année est publié le premier tome du livre Jésus de Nazareth à l’occasion de son 80e anniversaire (16 avril). Le 27 mai, il adresse une lettre aux catholiques de Chine, dans laquelle il appelle les douze millions de catholiques, divisés en deux camps, à se rassembler sous son égide et demande au gouvernement de Pékin de rétablir les relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Le 11 juin, le motu proprioDe aliquibus mutationibus in normis de electione Romani Pontificis modifie quelques normes concernant l’élection du Pape. Il est indiqué qu’au cours d’un conclave, une majorité des deux tiers est toujours indispensable même après le 33e tour, après lequel une majorité simple suffisait jusqu’ici. Le 7 juillet, un autre motu proprio est signé, Summorum Pontificum, sur la liturgie romaine, sous la forme qu’elle avait avant la réforme de 1970. Ce texte admet de nouveau, à côté de la forme normale (forma ordinaria) du rite romain, ce que l’on appelle la « messe tridentine », qui était en vigueur jusqu’au Concile, comme forme extraordinaire (forma extraordinaria) susceptible d’être célébrée dans les paroisses sans qu’il soit besoin pour cela, comme c’était le cas auparavant, de l’autorisation de l’évêque du lieu. Le 30 novembre, en la fête de saint André, il publie sa deuxième encyclique Spe salvi (« Sauvés dans l’espérance ») sur l’espérance chrétienne.
Son activité diplomatique se poursuit au long de l’année : il reçoit le Premier ministre du Vietnam, Nguyen Tan Dung, première visite d’un chef de gouvernement vietnamien au Vatican depuis la prise de pouvoir par les communistes en 1975, le Premier ministre russe Vladimir Poutine, le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, le Premier ministre israélien Shimon Peres, le roi d’Arabie Saoudite, Abdallah, gardien des lieux saints de l’islam. C’est la première audience d’un monarque saoudien auprès d’un chef de l’Église catholique. Le Pape tient également à entretenir les liens avec les autres Églises et religions. Il rencontre le président du Conseil de l’Église protestante en Allemagne, l’évêque Wolfgang Huber, le patriarche assyrien Mar Dinkha IV, le directeur du Congrès juif mondial Ronald Lauder, les représentants des Mennonites, le directeur du département des relations extérieures de l’Église orthodoxe russe, le métropolite Cyrille, qui sera nommé plus tard patriarche de son Église.

Le 21 octobre, il se déplace à Naples, à l’occasion des 21es Rencontres internationales et interreligieuses pour la paix, auxquelles participent entre autres le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomeos Ier , l’archevêque anglican de Cantorbéry, Rowan Williams, le Président du Conseil de l’Église protestante allemande, le grand rabbin d’Israël Yona Metzger, et le recteur de l’université al-Azhar en Égypte, Ahmed Al-Tayyeb.
Benoît XVI poursuit ses voyages, avec d’abord une visite pastorale à Vigevano, en Lombardie (Italie). De 9 au 12 mai, il se rend au Brésil où il rencontre le président Lula, et inaugure la 5e Conférence générale de l’épiscopat d’Amérique latine et des Caraïbes à Aparecida. Le mois suivant, il est à Assise (Italie) à l’occasion du 800e anniversaire de la conversion de saint François, en septembre, à Lorette à l’occasion de « l’Agora », une rencontre avec plusieurs centaines de milliers de jeunes Italiens, à Velletri. Il va en Autriche du 7 au 9 septembre, pour le 850e anniversaire de la fondation du pèlerinage de Mariazell.

2008
L’année 2008 voit le Pape Benoît XVI poursuivre ses voyages apostoliques à l’étranger. Du 15 au 21 avril, il se rend aux États-Unis où il rencontre le président, George W. Bush, à la Maison Blanche. Le 17 avril, pour la première fois, un Pape rencontre des hommes et des femmes victimes d’abus sexuels de la part de prêtres catholiques. Le 18 avril, à la tribune des Nations unies à New York, son souci pour le respect des droits de l’homme y occupe la première place. Le 20 avril, il se rend à Ground Zero et prie pour les victimes des attentats terroristes du 11 septembre 2001.
Au cœur de l’été, du 12 au 21 juillet, il se rend à Sydney (Australie) à l’occasion des 23e Journées mondiales de la Jeunesse. C’est à la cathédrale Saint-Mary de Sydney que le Pape demande pardon pour les abus sexuels commis sur des enfants par des religieux catholiques en Australie et rencontre les hommes et les femmes ayant été victimes dans leurs jeunes années d’abus sexuels commis par des prêtres. Lors de la messe de clôture à Sydney, devant quelque 500 000 personnes, il appelle à une rénovation de la société et de l’Église et encourage notamment les jeunes du monde entier à adopter un comportement responsable envers la Création et les ressources de la terre. Son dernier grand voyage de l’année sera en France, du 12 au 15 septembre, à Paris puis à Lourdes. Au collège des Bernardins (Paris), il prononce une conférence à l’adresse du monde de la culture puis un discours à l’Institut de France avant de célébrer la messe sur l’esplanade des Invalides. À Lourdes, il partage une méditation au terme de la procession aux flambeaux. Le lendemain, 14 septembre, il préside la messe devant 100 000 fidèles pour le jubilé des apparitions de Marie, cent cinquante ans plus tôt. Le Pape appelle les catholiques à renouveler l’esprit missionnaire : « Car, en se tournant vers Dieu, l’homme devient lui-même ». Plusieurs autres visites pastorales se déroulent en Italie (Savone, Gênes, les Pouilles, Cagliari, Pompéi).
Après avoir modifié, le 5 février, la prière du Vendredi saint « pour les juifs » dans le cadre du Missel tridentin, dans une version ayant fait l’objet d’une adaptation théologique, il publie le 21 juin une lettre apostolique « Antiqua ordinatione », motu proprio qui concerne le statut juridique de la Signature apostolique. Le 29 juin, en la fête des saints Pierre et Paul, il inaugure avec le Patriarche œcuménique Bartholomée Ier l’Année saint Paul. En octobre, se déroule la XIIe assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, sur le thème : « La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église ». Le Pape y participe personnellement et prononce une allocution sur l’interprétation de la Bible.
En novembre, il reçoit les participants du Ier Forum catholique-musulman, dont l’objectif est d’éliminer les tensions entre les deux religions. Le 9 novembre, Benoît XVI commémore publiquement à Rome le 70e anniversaire du début des pogroms organisés contre les juifs en Allemagne (« Nuit de Cristal ») et lance un appel à prier pour une « solidarité profonde avec le monde juif » et pour les victimes.

2009
Au cours de l’année 2009, la main tendue vers la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X suscite des tensions. Le 21 janvier, le Vatican publie le décret levant l’excommunication de quatre évêques de la Fraternité sacerdotale de Saint-Pie-X ordonnés par l’archevêque Marcel Lefebvre en 1988, sans mandat du Saint-Siège. Parmi ces quatre évêques figure Richard Williamson, dont on révèle alors une interview où il nie l’existence des chambres à gaz nazies. Une semaine après, lors de l’audience générale, le Pape publie une déclaration à propos de l’affaire Williamson. Le 10 mars, il adresse une lettre aux évêques de l’Église catholique, dans laquelle il aborde les malentendus et les débats survenus au sujet de l’excommunication des quatre évêques et admet des défaillances dans la communication du Vatican. Le 2 juillet est publiée une lettre apostolique sous la forme de motu proprio, Ecclesiae unitatem, où il est dit que la Commission pontificale « Ecclesia Dei » – qui a compétence pour les relations avec les traditionalistes catholiques, par exemple la Fraternité Saint-Pie-X – est intégrée à la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Le 29 juin, le Pape publie sa troisième encyclique, Caritas in veritate (« L’amour dans la vérité »), consacrée aux conséquences de la mondialisation et de la crise économique et financière sur un ordre économique plus juste, plus social et plus écologique. Trois grands voyages apostoliques prennent place en 2009. Du 17 au 23 mars, le Pape se rend au Cameroun et en Angola. L’objectif de ce voyage est d’apporter un message d’espoir et de réconciliation au continent africain affligé par les guerres, la maladie et la faim, et de demander à la communauté mondiale la justice pour l’Afrique. Une expression du Pape selon laquelle le problème du sida ne pourra pas être réglé par la seule distribution massive de préservatifs, lui vaut les critiques de la presse mondiale.
Du 8 au 15 mai, il va en Terre Sainte. D’abord en Jordanie où il rencontre le roi Abdallah au palais Al-Husseini d’Amman et, sur le mont Nebo, les responsables religieux musulmans. Il poursuit son voyage en Israël, visitant le mémorial de la Shoah à Jérusalem en compagnie du président israélien Shimon Peres. Toujours à Jérusalem, il est le premier Pape de l’histoire à visiter le Dôme du Rocher, site musulman sur l’Esplanade des Mosquées et termine la journée par une prière au Mur des Lamentations. Le lendemain, il rencontre le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas à Bethléem, puis le Premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahu à Nazareth.
Le dernier grand voyage de l’année se déroule, du 26 au 28 septembre, en République tchèque. Le but de la visite, vingt ans après la chute du Rideau de fer, est d’encourager la minorité de catholiques et de rappeler les racines chrétiennes de la culture de ce pays, devenu majoritairement athée.
Ses visites pastorales en Italie sont liées à différents événements, comme le tremblement de terre dans les Abruzzes, le 28 avril. Il se rend au Mont-Cassin, abbaye d’origine de son saint patron et patron de l’Europe, saint Benoît, à San Giovanni Rotondo, lieu de pèlerinage du capucin Padre Pio, décédé en 1968 et canonisé en 2002, à Viterbe et à Bagnoregio (c’est à Viterbe qu’a eu lieu le plus long conclave de l’histoire de l’Église (1005 jours) ; à Bagnoregio, où est conservée l’unique relique de saint Bonaventure.
Le 19 juin, le Pape proclame « l’Année sacerdotale ». Au Vatican, il reçoit autorités politiques et religieuses, le Premier ministre australien Kevin Rudd, le Premier ministre sud-coréen Lee Myung-bak, le président des États-Unis Barack Obama, le Premier ministre tchèque Jan Fischer à l’occasion du Traité de Lisbonne de l’Union européenne, le chef de l’État russe, Dmitri Medvedev, et annonce l’établissement de relations diplomatiques entre le Vatican et le Kremlin. Il reçoit l’archevêque de Cantorbéry, Rowan Williams, Primat de l’Église anglicane.

2010
C’est en 2010 que le Pape Benoît XVI s’empare du dossier des abus sexuels commis par des prêtres et des religieux dans l’Église catholique. Il écrit au directeur du collège catholique Canisius de Berlin (Allemagne), le P. Klaus Mertes, et à 600 anciens élèves de ce lycée jésuite, et il demande pardon aux victimes d’abus sexuels commis par des jésuites dans l’établissement pendant les années 1970 et 1980. La publication de cette information déclenche la révélation d’autres cas dans d’autres institutions, religieuses ou non. Il rencontre les vingt-quatre évêques irlandais pour traiter le scandale des abus sexuels dans l’Église catholique d’Irlande. Dans une lettre pastorale aux catholiques d’Irlande, il demande pardon pour les abus sexuels commis dans les institutions catholiques et pour les manquements des évêques ; au-delà du cas irlandais, il donne des recommandations pour élucider les cas et gérer les situations de crise. Il envoie plus tard cinq émissaires spéciaux de haut rang en Irlande pour traiter le scandale des abus sexuels. Lors de son voyage apostolique, à Malte, il rencontre des victimes maltaises d’abus sexuels.
Après la conclusion de l’inspection des « Légionnaires du Christ », qu’il avait ordonnée, le Pape demande une totale refonte spirituelle et structurelle de cette congrégation.
En 2010, ce sont cinq grands voyages apostoliques qu’accomplit Benoît XVI : à Malte (17-18 avril), au Portugal (11-14 mai), à Chypre (4-6 juin), au Royaume-Uni (16-19 septembre) en Espagne, à Saint-Jacques-de-Compostelle et Barcelone (6-7 novembre). Il se déplace aussi en Italie, à Turin, à l’occasion de l’exposition du « linceul », le Saint-Suaire du Christ, à Sulmona dans les Abruzzes à l’occasion du 800e anniversaire du Pape Célestin V, qui avait abdiqué après six mois de pontificat, à Carpetino Romano, à Palerme.
Début juin, il remet l’Instrumentum laboris de l’assemblée spéciale du Synode des évêques pour le Moyen-Orient lors de son voyage à Chypre. Quelques jours plus tard, c’est la clôture de l’Année sacerdotale, avec la Rencontre internationale des prêtres, coïncidant avec le 150e anniversaire de la mort du curé d’Ars. À la messe de clôture, qu’il préside, il demande pardon avec insistance, au nom de l’Église, pour les actes pédophiles perpétrés. Fin juin, il annonce la création du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation dans les sociétés sécularisées.
Parmi les rencontres diplomatiques, on peut noter celle du chef de l’État israélien, Shimon Peres, pour une discussion sur le processus de paix au Proche-Orient. Le 30 septembre, il signe l’Exhortation apostolique post-synodale sur « le rôle de la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église », Verbum Domini. Fin novembre, il crée 24 nouveaux cardinaux lors du Consistoire du 20 novembre. Le 30 décembre, il publie un motu proprio sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, engageant une démarche de clarté dans les finances du Vatican.

2011
Les JMJ de Madrid (Espagne) ont été un moment fort de cette année 2011, plus de vingt-cinq ans après leur création, où plus d’1,5 million de jeunes ont entouré Benoît XVI qui les a encouragés à développer la connaissance intérieure du Christ. Trois grands voyages apostoliques ont marqué l’année : la Croatie (4-5 juin) où le Pape a tenu à encourager les familles pour la 1re Journée nationale des familles catholiques croates, l’Allemagne (22-25 septembre), moment de foi, d’œcuménisme et d’intuition politique, le Bénin (18-20 novembre), avec la remise de l’Exhortation apostolique Africae munus. En Italie, le Pape s’est également déplacé dans le Nord-Est, à Aquilée, Venise et Mestre, sur le thème : « Tu confirmes notre foi ». En octobre, il promulgue l’Année de la foi, par le motu proprioPorta fidei, qui se tiendra du 11 octobre 2012 au 24 novembre 2013. Le 19 juin, il effectue une visite apostolique à Saint-Marin-Montefeltro, petite République enclavée dans le Nord-Est de l’Italie. Le 11 septembre, il se rend à Ancône (Italie), au terme du 25e Congrès eucharistique italien et, le 9 octobre, en Calabre, où il dénonce le rôle de la mafia locale. Le 27 octobre, il va à Assise, pour la Journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice dans le monde, vingt-cinq ans après la première rencontre initiée par Jean-Paul II, avec 300 représentants de toutes les religions, sagesses et traditions.
Le 14 janvier 2011, il valide le décret de béatification de son prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, béatifié le 1er mai de cette même année. Le 10 mars, le tome 2 de Jésus de Nazareth paraît en librairie. Le Pape y propose une réflexion personnelle sur la mission, la Passion et la résurrection du Christ. Ce même mois, les Lineamenta, intitulés « La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne », sont envoyés aux évêques du monde entier en vue de la XIIIe Assemblée générale ordinaire d’octobre 2012. Fin mars, il s’adresse, par message vidéo interposé, aux participants à la veillée du « Parvis des Gentils », première session organisée à Paris par le Conseil pontifical de la Culture. Pour la Semaine Sainte, il confie à Mère Maria Rota Piccione, présidente de la Fédération des moniales augustines, le soin de rédiger les méditations du Chemin de Croix qu’il préside le Vendredi Saint au Colisée de Rome. Au matin du Vendredi Saint, est diffusé sur la première chaîne de télévision italienne un entretien de Benoît XVI, interrogé par sept personnes. Il s’adresse fin mai aux 165 Caritas réunies pour leur 19e Assemblée générale internationale, réaffirmant combien est central le témoignage de la charité pour l’Église de notre temps. À l’occasion des 150 ans de l’unité politique de l’Italie, il rencontre les évêques de la Conférence épiscopale italienne, les encourageant à construire toujours plus le bien commun. Le 13 juin, il réunit les chefs des Dicastères de la Curie romaine, dont la dernière réunion avait eu lieu en novembre 2010. Il remet pour la première fois, le 30 juin, l
e Prix Ratzinger, destiné à récompenser des théologiens. Quelques jours après, le collège cardinalice l’entoure à l’occasion du 60e anniversaire de son ordination.

2012
En 2012, le Pape convoque deux Consistoires, l’un en février au cours duquel il crée 22 cardinaux, l’autre le 24 novembre, où il crée 6 nouveaux cardinaux. Deux voyages apostoliques sont programmés, l’un au Mexique et à Cuba (23-28 mars), l’autre au Liban (14-16 septembre). Le bicentenaire de l’indépendance du Mexique et d’autres pays d’Amérique latine, le vingtième anniversaire des relations diplomatiques entre le Mexique et le Saint-Siège et le quatrième centenaire de la découverte de la statue de la Vierge de la Charité del Cobre dans la République de Cuba sont les occasions de ce premier voyage. Le but principal de son voyage au Liban est la signature et la remise de l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Medio Oriente aux représentants des communautés catholiques du Moyen-Orient, ainsi qu’aux autres Églises et communautés ecclésiales et aux chefs musulmans. Mais le Pape veut également apporter un message d’encouragement et de paix aux populations du Moyen-Orient.
Il se déplace en Italie pour différentes rencontres, à Arezzo, La Verna et Sansepolcro (13 mai), à Milan pour la VIIe Rencontre mondiale des familles (1-3 juin), dans les zones frappées par les tremblements de terre en Émilie-Romagne (26 juin), à Lorette pour le 50e anniversaire du voyage de Jean XXIII (4 octobre).
Le scandale de l’affaire Vatileaks vient jeter le trouble au Vatican. Fin avril, Benoît XVI demande la mise en place d’une commission cardinalice pour éclaircir la situation. Mi-mai, la publication du livre du journaliste italien Gianluigi Nuzzi, Sua Santita, le carte segrete di Benedetto XVI (« Sa Sainteté ; les papiers secrets de Benoît XVI »), révèle au grand public des télégrammes diplomatiques chiffrés et des lettres personnelles adressées au Pape. Fin mai, le Vatican confirme l’arrestation de son majordome, Paolo Gabriele, en possession illégale de documents confidentiels. Le 6 octobre, Paolo Gabriele est condamné par le tribunal du Vatican, à trois ans de prison, ramenés à un an et six mois. Le 22 décembre, Benoît XVI lui rend visite à la gendarmerie du Vatican où il est emprisonné, lui annonce sa libération et annule sa condamnation. Par ailleurs, Ettore Gotti, « grand argentier » du Pape, banquier professionnel, est évincé de son poste par le conseil de l’Institut pour les œuvres de religion, la « banque du Pape ».
Pendant le mois d’octobre se déroule le Synode sur la nouvelle évangélisation à l’occasion de la célébration du 50e anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II et du début de l’Année de la foi. Le 21 novembre, Joseph Ratzinger-Benoît XVI publie le troisième volet de son enquête sur Jésus de Nazareth dans un ouvrage intitulé L’enfance de Jésus. Il publie le 1er décembre le motu proprioIntima Ecclesiae natura (« La nature profonde de l’Église ») sur le service de la charité dans l’Église dans la lignée de Deus caritas est, avec deux orientations principales : le renforcement du rôle des évêques dans l’organisation des activités caritatives et la transparence dans l’utilisation de l’argent récolté. Le 12 décembre il poste son premier tweet à la fin de l’audience du mercredi depuis son compte personnel @pontifex. Le 20 décembre, il promulgue les décrets concernant la reconnaissance des « vertus héroïques » du Pape Paul VI. Du 26 décembre 2012 au 2 janvier 2013, il participe à la 35e rencontre européenne de Taizé.

2013
Le 7 janvier, il reçoit les membres du Corps diplomatique et, le 26 janvier, les membres du Tribunal de la Rote romaine. Lors du consistoire du 11 février, il déclare renoncer à sa charge.

(*) Sources : www.vatican.va et, pour la période depuis 2005, Lumière du monde (Bayard, 2010), et La Documentation catholique.


Dieu appelle tous ceux que la société méprise à la Joie d'unir leur souffrance morale, physique ou spirituelle avec le Sacrifice du Christ en Croix pour le monde et l'Eglise